Séchoir à maïs
Sirogojno. Serbie. km 1591.
Depuis quelques jours, nous avançons sur le relief accidenté des Alpes Dinariques, à l’ouest de la Serbie. Toute la région est couverte d’une surface froissée où monts et cours d’eau s’entremêlent. La roche donne parfois une teinte rosée à ce paysage. Et la brume va et vient tandis que nous arrivons à Seca Reka déjà satisfait.
L’église est implantée sur une butte appuyée à une colline plus prononcée. Avant même de pouvoir entrer nous sommes accueillis par Radosav et Jovice comme si notre visite était attendue. Un petit détour par le menu illustrera cette hospitalité immédiate qui donne au voyage sa saveur : cuillères de miel, café, raki, pastèques, truites pannées.
L’église, de taille modeste, se distingue par son toit particulièrement pentu dont les deux extrémités sont arrondies au niveau de la sablière. Elle est entourée de tombes de soldats tombés pendant les guerres des Balkans qui rappellent l’histoire complexe de la région. La construction actuelle date de 1812 — avec des travaux de conservation réalisés en 1952, 1975 et 2012 — mais d’autres églises ont occupé ce site historique depuis le 15e siècle.
Depuis l’extérieur le volume de l’église semble réduit à l’essentiel. Sa forme simple découle d’une organisation intérieure calquée sur le modèle orthodoxe. Dans ce modèle, le plan de l’église est séquencé en trois espaces caractéristiques : le narthex, la nef et le sanctuaire.
À partir là, chaque église présente des variations et des adaptations. Dans le cas de l'église de Seca Reka, l’entrée principale est précédée d’un porche qui prolonge l’espace intérieur.
Plan de l'église de Seča Reka et plan type d'une église orthodoxe
En comparant les deux plans, on perçoit d’autres adaptations. L’économie de moyen qui devait prévaloir à l’époque de la construction 1 a conduit à donner à chaque élément sa forme la plus élémentaire. La sacristie (où sont abrités les objets du culte) et la chapelle de proscomidie (où sont préparés les Saints Dons) constituent par exemple un seul espace avec le sanctuaire.
1. Sous l’empire Ottoman, la construction des églises Orthodoxes était tolérée, mais contrainte. Un facteur important dans l’histoire de ces églises exceptionnellement petites et isolées.
Construction et assemblage
Compte tenu des rénovations successives, la structure est un mélange d’éléments datant de différentes époques.
Comme beaucoup de construction en bois de la région, les murs sont constitués de madriers empilés horizontalement, posés sur un lit de pierre. Les assemblages de ces madriers sont en queue d’aronde alternée. Côté sanctuaire, ces assemblages sont maintenus par des clous, ce qui est moins courant.
Les murs supportent une sablière et une charpente légère faite de chevrons solidarisés par deux séries de faux-entraits.
Ces chevrons sont prolongés en partie basse par des petites pièces obliques appelées coyaux. Ils servent à créer un débord de toit afin de rejeter les eaux de pluie au plus loin de la construction. Leur forme dite “en queue de vache” a pour effet d’adoucir la pente du toit et lui donne sa forme très légèrement évasée.
La couverture est composée de deux couches distinctes. Une première couche intermédiaire de planches améliorant l’étanchéité, et une deuxième couche apparente faite de huit sections de bardeaux de bois rainurés, languetés et sciés radialement.
Merci à Radosav et Jovice.
Les séchoirs à maïs sont des petites constructions que l'on trouve régulièrement dans les balkans. Ils sont bâtis sur pilotis pour protéger les récoltes des animaux nuisibles, et sont caractérisés par des parois en jeunes branches minces assemblées comme une maille. Une technique identique à celle de la vannerie tressée où sont utilisés des brins flexibles entrecroisés. En serbe, ces séchoirs sont d'ailleurs appelés Koš, qui se traduit littéralement par "panier". Ce principe de paroi tissée permet à l'air de circuler à l'intérieur du séchoir et d'éviter le pourrissement du maïs.
Les fondations sont réalisées en piliers de bois, avec un assemblage à mi-bois. Cette séparation du poteau et du pilier a notamment pour fonction d'éviter le pourrissement de la structure en cas de remontée d'eau par capilarité. Cela permet également dans certains cas de traiter le pilier en contact avec le sol dans une essence différente du poteau lui même.
Ce séchoir correspond à un type répandu à travers le sud de l'Europe, hérité des communautés primitives du néolithique. Son appellation varie selon les langues, Anastro au Portugal, Cabazos en Espagne, mais la forme et le principe constructif restent les mêmes : fondations en pilier, poteaux, parois en brins tressés, toit avec débord.
L'Eglise de Kućani est située au flanc d'une colline dans la région des monts Zlatibor, à l'ouest de la Serbie. Perdue au milieu des alpages et dissimulée sous un bosquet de pins et d'épicéas, la trouver est déjà un événenent en soi. Surtout si on a eu l'imprudence de demander son chemin, et que la traditionnelle cuillère de miel offerte au voyageur, a été arrosée de Nikšićkos...
L'église n'a pas d'origine précisément datée, mais sa construction remonterait à la fin du XVIII. Une rénovation importante a eu lieu dans les années 60. Et un clocher séparé avec une structure simple en bois a été reconstruit à côté de l'église à cette époque.
Une légende locale veut que la chapelle ait été démontée et déplacée en une nuit, au milieu de la forêt, pour échapper aux Ottomans. Après la chute de l’empire, la forêt entourant la chapelle aurait été progressivement abattue pour laisser place aux pâturages.
La chapelle est particulièrement petite, moins de 7 mètres de long et 3 mètres de large, on y retrouve pourtant l'organisation intérieure en trois espaces, commune à toutes les églises orthodoxes : le narthex, la nef et le sanctuaire. L'article sur l'église de Seča Reka abordera plus en détail ces différents espaces caractéristiques. Comme la plupart des églises de rite byzantin, celle-ci est orientée de sorte que l'autel et le sanctuaire sont situés à l'est.
L'église est souvent décrite comme n'ayant pas de fondations. Elle repose néanmoins sur un lit de pierre qui suit la pente naturelle du terrain. Elle est construite en madriers de chêne (rondins de bois équarris), empilés horizontalement. Les éléments situés à la base du mur ont ainsi un gabarit fuselé pour s'adapter au profil de la pente. On remarque qu'à ces endroits, en particulier sur la façade du sanctuaire, les assemblages ne lient les madriers que deux par deux.
Dans les autres angles — à gauche de l'image ci-dessus par exemple — les assemblages sont en queue d'aronde. Ils révèlent que les madriers utilisés sont relativement fins si on les compare à d'autres églises en bois massif de la région. L'article sur l'église de Sainte Barbara en Croatie, décrit avec plus de précision ce qu'est le principe d'assemblage en queue d'aronde.
La couverture est réalisée avec des bardeaux de pins. Sur le côté sud, certains d'entre eux peuvent pivoter pour ventiler l'intérieur de la nef.
Hvala à Michta et Felix.
Merci à J. Brooke Harrington et Judith Bing sans qui nous n'aurions pas eu connaissance de cette église. Balkan Vernacular Architecture .